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Etat d’urgence: le ministère de l’intérieur condamné à être précis

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Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu, vendredi 15 janvier, un arrêté d’assignation à résidence du 17 décembre 2015. Et les magistrats administratifs en ont profité pour poser une petite pierre, une de plus, dans le jardin du ministère de l’intérieur, qui avait refusé d’étayer la « note blanche » des services de renseignement utilisée contre Z.* La Place Beauvau s’était retranchée, dans son mémoire, derrière le secret défense pour défendre l’imprécision de l’arrêté et de la note:

« Il ne saurait être exigé de l’administration qu’elle établisse avec certitude l’existence de cette menace en raison de la confidentialité des sources d’information qui relève du secret de la défense nationale et seule propre à assurer le bon déroulement des enquêtes en cours ; il y a également lieu d’assurer la protection des sources d’information dont dispose l’administration, y compris celles issues de la coopération internationale. »

Que révélait la note blanche? Que Z., résidant en région parisienne et père de famille, « est apparu en relation » en octobre 2013 avec un groupe salafiste et qu’un « CD-Rom audio contenant de la propagande djihadiste (…) ainsi que des chants guerriers djihadistes » a été découvert dans sa voiture lors d’une perquisition administrative, le 22 novembre 2015.

« Techniques de dissimulation, librement accessibles sur Internet »

Le tribunal administratif, déçu de voir que la note blanche n’était pas plus précise que l’arrêté d’assignation, a demandé au ministère « un supplément d’instruction », et notamment d’expliciter le « apparu en relation ». Mais le ministère de l’intérieur a renâclé, donc. Dans son mémoire, il a seulement précisé le profil du groupe salafiste: cette « organisation terroriste (…) avec laquelle il est apparu que le requérant a été en relation avec l’un de ses membres opérationnels en 2013, est notamment à l’origine de l’assassinat de personnalités politiques et médiatiques ». Or, ajoute le ministère, « le requérant fait l’objet d’une fiche S dont il ressort un voyage » dans un pays arabe, durant deux semaines, en 2014. L’assigné a donc été en relation avec un membre d’une organisation terroriste en 2013, comme le prouve un voyage en… 2014.

Sur la banalité absolue de la vie de Z., qui a obtenu l’attestation de voisins le décrivant comme bien loin du djihad, le ministère avait également un réponse toute prête:

« Il convient de tenir également compte des techniques de dissimulation, librement accessibles sur Internet, des personnes surveillées en raison de leur adhésion aux thèses de l’islam radical, de leur propagation ou de leur projet de quitter le territoire national. »

En clair, si vous êtes barbu, vous êtes un djihadiste. Si vous ne l’êtes pas, c’est que vous êtes un djihadiste dissimulé. Imparable.

« Mensonges »

Mais, cette fois-ci, le tribunal administratif s’est rebiffé. Dans son ordonnance, il relève que « le ministre de l’intérieur n’a pas fourni d’explication supplémentaire autres que l’implantation [dans un pays arabe] de cette organisation terroriste et de ce que Z. a effectué [dans le pays en question] un séjour de deux semaines au printemps 2014 ». Or, le séjour concernait des « vacances familiales » – Z. est originaire de là. Et les « contraintes liées à l’activité des services de renseignement qu’il évoque de façon générale » ne sauraient suffire à s’exonérer d’étayer une note blanche. Reste le CD-Rom. « Toutefois, en se fondant sur ce seul fait, le ministre de l’intérieur ne pouvait retenir à l’encontre de Z. des liens avec la mouvance djihadiste », estime le tribunal.

L’arrêté est donc « de nature à porter atteinte de manière grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir de l’intéressé » et il est suspendu. Au 12 janvier, seuls trois arrêtés avaient été suspendus en référé-liberté par un tribunal administratif (sur 79 recours). Et dix-sept abrogés par le ministère à la veille de l’audience – une méthode qui évite de rendre publiques les erreurs commises par l’administration.

L’avocat de Z., Me Arié Alimi, qui a pris en charge un certain nombre de dossiers d’assignés, a été confronté aux deux cas la semaine dernière. Et, lundi 18 janvier, il a même appris l’abrogation d’une assignation… une heure avant l’audience. Pour lui, il s’agit de premières victoires, même tardives: « Une abrogation avant l’audience signifie que le ministère reconnaît avoir menti. Et les décisions de suspensions démontrent que les juridictions administratives ne sont plus dupes de ces mensonges. »

Camille Bordenet et Laurent Borredon

etatdurgencelemonde@gmail.com

*Très affecté par son assignation, qui a bouleversé sa vie professionnelle et personnelle, Z. nous a demandé de respecter au maximum son anonymat.

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